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L'humeur des Atréides
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Retour sur True Grit, de Joel et Ethan Cohen

Retour sur True Grit, de Joel et Ethan Cohen

Voilà quelques semaines déjà que le dernier long métrage des frères Cohen se projette dans les salles françaises. Le film a été agréablement accueilli par la presse sans toutefois qu’elle ne s’y attarde particulièrement, le reléguant à un pur divertissement franchisé Cohen.

Pourtant, le recul aidant, il nous semble que True Grit mérite une attention appuyée sur certains de ses secrets cachés, qui en font une œuvre atypique et donc remarquable dans la filmographie des deux frères.

True Grit ou comment se souvenir de l’enfance par le Western. De mémoire, les réalisateurs n’avaient jamais accordé une place aussi importante à l’enfant. C’est la jeune Mattie Ross, âgée de 14 ans, qui guide le récit de son regard naïf et volontaire dans ce monde de gueules qui crachent, boivent et vocifèrent à outrance. Belle idée que de repasser leur cinéma sous ce prisme déformant vers plus de légèreté. En rien le Western n’est pastiché ou détourné mais le genre, réduit à sa substantifique moelle, sert de vecteur du souvenir tant pour Mattie, alors devenue femme, que des réalisateurs, fins cinéphiles qui rendent hommage.

Se souvenir des belles choses donc et peu importe qu’elles eussent été violentes. Ainsi Mattie se remémorera longtemps la traque de Tom Chaney, l’assassin de son père, aux cotés de Rooster Cogburn, US Marshall alcoolique et de LaBoeuf, texas Ranger bien propre sur lui. Diable, que ce fut grisant de dormir à la belle étoile parmi les serpents, en plein territoire indien en pensant aux prochaines fusillades dans les vastes plaines. Chez les Cohen l’enfant se saoule d’aventures quitte à y voir du sang ; quitte à en perdre un bras.

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Dès lors pas étonnant que le registre comique se taille la part du lion, reléguant la violence à une simple donnée admise et assumée par tous les protagonistes. Seule la mort de son cheval donnera à Mattie sa première crise de larmes. On ne touche pas aux animaux.

Une séquence merveilleuse renforce encore ce rapport à l’enfance. Le Marshall galope à n’en plus finir, usant des dernières forces de sa monture, pour sauver la jeune fille, prise d’une forte fièvre. Traversant les bois d’une faune nyctalope, Mattie est en proie à des hallucinations comme si la forêt l’invitait à la mort. Là, les frères Cohen récitent une grammaire expressionniste, onirique et lyrique, qui convoque deux références majeures.

La première est littéraire, directement puisée dans le poème, Erlkönig (Le Roi des Aulnes), de Goethe. “ Qui chevauche si tard à travers la nuit et le vent ? ” C’est Rooster avec son enfant. Mise en image simple et magnifique du texte de Goethe qui impose une nouvelle filiation entre nos deux héros. A la différence près que l’enfant ne mourra pas. Cette fois-ci le cynisme entêtant depuis NO COUNTRY FOR OLD MEN laisse place à un humanisme pudique.

La seconde nous démontre que les Cohen aussi se souviennent. D’un film en particulier, LA NUIT DU CHASSEUR, bien sûr, de Charles Laughton dont les enfants traqués furent recueillis par une vieille dame de caractère. Elle aussi savait chanter “ Leaning on the everlasting arm ”, reprise à la toute fin de True Grit quand Mattie Ross, vieille fille de caractère, s’en va au loin vers cet autre film.