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L'humeur des Atréides
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Gran Torino, de Clint Eastwood

Gran Torino, de Clint Eastwood

Walt Kowalski est assis dans sa vieille chaise en bois à bascule, dehors, sur sa terrasse légèrement surélevée dominant discrètement un réduit de pelouse tondu à la perfection. L’homme est âgé, marqué par les rides respectables d’un vétéran de la guerre de Corée. L’importante glacière à ses pieds laisse entrevoir une cargaison de bières fraîches, compagnes désaltérantes d’un après-midi pavillonnaire d’une banlieue américaine. Il grimace à la vue de sa voisine, une vieille grand-mère Hmong, une sorcière selon lui. Peut-être est-ce parce qu’elle crache plus fort que lui ? De toute façon Walt n’aime pas beaucoup les « jaunes » ni les « nègres » d’ailleurs, et son « rital » de coiffeur doit être un « youpin » puisqu’il lui pique toujours plus d’argent à chaque coupe. Il est comme ça Walt, un peu raciste diront certains, xénophobe serait plus juste. Son récent veuvage n’arrangeant rien, seule sa Gran Torino, rutilante dans le garage, semble trouver grâce à ses yeux. Et ce n’est pas l’attitude de ses enfants et petits enfants qui va lui ôter ce rictus de dégoût si caractéristique du visage de ce « polak » dur à cuire, interprété par Clint Eastwood qui signe tout simplement le meilleur film de l’année à ce jour.

Gran Torino a pour lui ce mélange efficace de simplicité et d’ambiguïté, de caricature et de subtilité, de politiquement correct et de perversité. D’apparence très simple, le film révèle une somme de thèmes enfouis à la teneur mystique et sociale sous couvert d’un état des lieux de l’Amérique actuelle. Vaste programme donc, parfaitement réussi grâce au ton très drôle voire comique avec lequel Clint nous habitue tout le long à une fin tragique que l’on connaissait tous. L’Amérique communautaire est ainsi faite tantôt exotique, drôle, folle, gracieuse et violente. Le personnage de Kowalski vient tuer, par sa mort, celui de l’Inspecteur Harry où le Clint républicain de l’autodéfense sans pour autant le renier. D’abord parce qu’Eastwood est toujours républicain (ce n’est pas une critique mais un constat) et que la rédemption de Kowalski n’est que partielle se sachant de toute façon condamné par la maladie. L’ambiguïté demeure donc et la morale, voire la moralité, n’est pas aussi simple que les « gentils » humanistes voudraient bien le dire. Ne nous y trompons pas Gran Torino n’est pas un film humaniste mais un film humain bourré de contradictions et de subtilités ; une réussite totale.