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L'humeur des Atréides
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Le Cinéma de la Contre-allée : Russ Meyer, le sein du cinéma

Le Cinéma de la Contre-allée : Russ Meyer, le sein du cinéma

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Il ne faut pas sous estimer le cinéma de Russ Meyer. D’aucuns le réduisent à un défilé vulgaire de gros seins, de gigantesques roberts, de poitrines démentes, filmées en contre plongée, qui bondissent et rebondissent dans la poussière du désert et la saleté des hommes. Or Russ Meyer n’est jamais vulgaire, coquin sans doute, obsédé peut être, pervers même pas. Et ses nymphomanes qu’il se plait à nous conter, non sans ironie burlesque, matraquent « grands coups de mamelles » comme chantait Brassens, la morale puritaine et quelques autres valeurs de l’arrière-pays américain. Elles tapent dure ses actrices fétiches aux têtes félines comme Tura Satana ou Haji. Chez Meyer la galéjade est omniprésente, le plaisir prime, la jouissance aussi. Pour autant, à revoir quasiment l’ensemble de son inégale filmographie, Russ Meyer s’impose largement comme un véritable cinéaste qui mérite une des plus belles résidences de notre contre-allée.    

Le primitivisme du cinéma du californien est radical. Des voitures, des motos, des femmes, des flingues et un désert. Rien de plus ou très peu. Les péripéties paraissent presque improvisées au fil des mauvaises rencontres de ses héroïnes. De toute façon, chez Meyer, il n’y a que des mauvaises rencontres. A en croire que le « badlands » Etats-uniens fourmille de maniaques et autres tordus qu’ils soient hommes ou femmes.

Ce qu’il y a de remarquable dans la vie du réalisateur, né d’une mère d’origine allemande le 21 mars 1922 à Okland, c’est sa participation active à la Seconde Guerre Mondiale. En effet, dès  1942 il intègre l’unité des actualités hebdomadaires filmées de l’US Army avec laquelle il filme notamment le débarquement de la IIIème armée, sous le commandement du général Patton, à Omaha Beach en Normandie le 6 juin 1944. Il entre dans Paris le 25 août 1944 avec la 2e division blindée du général Leclerc puis continue la marche vers l’Est avec Patton et ce, jusqu’à la Tchécoslovaquie. Véritable héros de guerre, Russ Meyer rentre aux Etats-Unis en 1945 où il entame sa carrière de cinéaste marginal avec THE IMMORAL MR. TEAS en 1959. Il meurt le 18 septembre 2004 laissant une filmographie riche de « nudies» ou autre « soft-cores » reconnus sur le tard.

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Parmi eux, c’est sans doute FASTER, PUSSYCAT ! KILL ! KILL ! qui s’impose comme son film le plus marquant. Récit sauvage d’un gang de femmes bien équipées, FASTER, PUSSYCAT ! KILL ! KILL ! est aujourd’hui un classique de la série B et plus encore. A en croire Quentin Tarantino et John Waters, il serait même l’un des meilleurs films du monde. Et si ces deux excentriques exagèrent largement, c’est pour mieux appuyer l’influence qu’a eu ce long-métrage sur leurs filmographies. Alors, ce sont les femmes qui prennent le pouvoir, telles des walkyries enragées, à l’instar des trois héroïnes massacrant Stuntman Mike (Kurt Russel) dans BOULEVARD DE LA MORT.  Tarantino envisageait même de faire son propre remake du film avant, sans doute, de se rendre compte qu’il venait de le faire avec DEATH PROOF. Quoi qu’il en soit, le film culte de Russ Meyer vaut le détour pour son esthétisme soigné, agrémenté d’une ambiance unique et sulfureuse donnant au film une puissante aura libertaire.

MOTOR PSYCHO, réalisé la même année (1965), n’est pas non plus à négliger. Reprenant le même esprit sauvage que FASTER, PUSSYCAT ! KILL ! KILL !, le film se sert, comme souvent chez Meyer, du second voire troisième degré pour mieux souligner et dénoncer certaines dérives de l’Amérique profonde. Le traumatisme de la guerre du Vietnam est ainsi évoqué par le biais d’un vétéran psychopathe et ce, plus de dix ans avant le Travis Bickle de TAXI DRIVER. Le Vietnam encore, en thème sous-jacent de la célèbre comédie érotique VIXEN réalisé en 1968. Ce premier épisode d’une série très inégale de quatre longs métrages conte les péripéties de Vixen, femme de petite vertu, dans le bush du Nord-Ouest canadien. Là, MEYER néglige clairement la réalisation (surtout le montage) et le jeu des acteurs dans un salmigondis improbable où l’érotisme se mêle à des discours politiques et sociaux. Ainsi, la guerre, la ségrégation raciale, le communisme sont abordés entre deux galipettes ; foutraque et décomplexé. Hélas, il faut reconnaître que la série des VIXEN souffre de redits, d’une mise en scène au rabais et d’un intérêt qui diminue au fil des films qui la composent. Heureusement que le coté nanar est largement assumé par un Meyer qui n’a pas peur du mauvais goût.

Cinéma de la jouissance, souvent amère, ses films témoignent d’une force libertaire radicale et expiatoire ; Russ Meyer est un cinéaste du salut.