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L'humeur des Atréides
L'humeur des Atréides
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Outrage, de Takeshi Kitano

Outrage, de Takeshi Kitano

 En mai dernier, un Atréide présent sur la Croisette avait eu l'occasion de découvrir en avant-première le dernier né de Takeshi Kitano. A cette époque, le film avait été accueilli plutôt froidement par la presse. Nous profitons de sa sortie en salles cette semaine pour souligner, une nouvelle fois, notre enthousiasme vis-à-vis d'une oeuvre à la violence salvatrice. Oui, en ce début d'hiver glacé, les Atréides vous recommandent la cure de violence du grand maître japonais !

Belle émotion, passée inaperçue dans la presse, que celle de la projection officielle, lundi 19 mai à 22h, de OUTRAGE de Takeshi Kitano. D’habitude impassible, le visage à moitié paralysé à la suite d’un grave accident de voiture, le japonais n’a pas pu masquer ses larmes. La faute à de longues minutes d’applaudissements, sincères et chaleureuses, auxquelles je participais sans faille. L’homme dégage une force indéniable, un mélange de sérénité et de folie, une rébellion aigre-douce qui anime l’esprit fertile du cinéast e.

OUTRAGE est aux films de yakusa ce  q ue LA   HORDE SAUVAGE de Sam Peckinpah était aux westerns. Une fin nihiliste, radicale et violente. Comme l’achèvement d’un genre dans la continuité du travail, remarquable dans ce domaine, du grand Kinji Fuksaku. A ce titre, OUTRAGE tient plus du CIMETIERE DE LA MORALE ou DE COMBAT SANS CODE DE L’HONNEUR que de SONATINE. Certes, on retrouve l’humour burlesque propre à Kitano, mais l’ensemble reste sérieusement ancré dans le genre, sans digression, sans les ruptures oniriques que l'on a connu.

Tout part d’un léger outrage, d’un yakusa à un autre, orchestré par un chef de gang plus tordu que les autres. Alors, le jeu de massacre est lancé ; inarrêtable et grotesque. Certaines scènes évoquent le cinéma gore, avec une dérision singulière, provoquant le rire nerveux des festivaliers. Entre deux assassinats, il ne se passe rien. L’ennui hante la vie de ces hommes de main qui trouveront dans la mort, et la façon de la donner, un dernier amusement.

On ne respecte plus rien ni personne ; la tradition n’est plus. Et même l’art de se couper la phalange se ridiculise en un acte bouffon ; le cutter a remplacé le couteau.

Kitano se savait attendu. D’aucuns parlaient même de son « grand retour », comme si Beat Takeshi avait disparu dans les méandres de sa déconstruction. Il répond à cet affront par un OUTRAGE, beau pied de nez qui déjoue les attentes de son cinéma soi-disant retrouvé. Provocateur, il se joue du public, celui qui attendait un nouvel HANA BI, en leur démontrant,sans transiger, que le film de yakusa est bel et bien terminé et pour cause ; ils sont tous morts.

En passant de la déconstruction artistique (TAKESHI’S, GLORY TO FILMMAKER, ACHILLE ET LA TORTUE) à la destruction physique, d’un genre et d’un passé cinématographique, Kitano nous impose sa propre libération. Là, réside son plus bel outrage.